#2 – L’Escamonaute. Quatrième partie : Spleen atmosphérique

Spleen atmosphérique par Ben Ytruso et Julie Savoye

Triste, je me remémore tous ces noms de planètes que j’ai visitées et me demande si je ne suis pas finalement déjà allée sur cette planète bleue. Je pense que je ferais mieux de l’oublier et de profiter de ce qui s’offre à moi ici. 

Ces grands espaces à perte de vue sentent l’herbe fraichement coupée et le sucre. Je me crois alors dans une de ces fêtes de village où l’on mange de la barbe à papa et des chichis à s’en rendre malade. Mais ce qui me ronge moi, ce ne sont pas mes souvenirs d’enfance mais le souvenir de toi. Il est temps d’avancer et de ne pas ressasser le passé. Il est primordial de continuer, d’aller d’une planète à l’autre et de prendre ce que chacune a à offrir. Quand je vois l’atmosphère qui règne ici je me dis qu’elle est bien différente de celle de la planète de ma naissance, moins gazeuse. Le dioxygène présent libère des petites bulles qui flottent à environ 12 mètres au-dessus du sol. Lorsque l’on tend l’oreille, il est possible d’entendre le crépitement de leur explosion quand elles atteignent la couche protectrice planétaire.

Constat fait, je rentre dans une échoppe, m’assieds au comptoir et commande une pinte de bière anisée. Servie grossièrement, j’y trempe mes lèvres sèches et sent couler la mousse le long de ma gorge assoiffée par le voyage. Ce breuvage me rappelle le grand verre de lait frais servi par ma mère lorsque je rentrais du foot. Tapis dans un coin sombre je sens que quelqu’un m’observe, son regard qui pèse sur moi. Je comprendrai par la suite qu’il n’avait rien d’innocent. Je me retourne manquant de perdre l’équilibre. M’apercevant, l’inconnu.e baisse son regard, se lève tout en remettant son capuchon pourpre et s’en va. Sur le moment, je crois que je n’ai pas accordé beaucoup d’importance à cette non-rencontre. Peu perturbé donc, je me ré-accoudais au bar et commandais une autre pinte. J’en profitai pour demander au barman où je pouvais trouver un endroit pour passer la nuit. Il m’indiqua une maison tenue par une vieille femme dont les trois filles étaient parties en guerre galactique et n’en étaient jamais revenues. Il ajouta que nombreux avaient été les enfants à s’engager et m’expliqua que c’était la cause du parfum de mélancolie qui régnait ici et qui faisait que l’on voyait tout avec un filtre mauve. C’est peut-être aussi pour cela que ce sentiment de tristesse m’avait envahi en arrivant. Sur ces paroles, je règle mon dû et m’en vais.

Il fut facile de trouver le foyer que le vieux m’avait indiquée. Je dis vieux mais plus que le temps c’étaient les épreuves qui se lisaient sur son visage. Je pousse alors la porte de la demeure au style victorien. À l’intérieur, je découvre une ambiance bien différente, ça sent bon le praliné au chocolat et le cœur s’y sent tout de suite plus léger. Une femme au visage rond, rosé et ridé lève les yeux de son livre. Je lui demande alors si elle a une chambre de disponible pour que je passe la nuit. Elle me répond par l’affirmative, me précisant que l’auberge ne comptait actuellement qu’une personne. Je règle donc la nuit avec les quelques poussières d’étoile qu’il me reste et la suis jusqu’au premier étage. De nouveau seul, je prends connaissance de la chambre et de tous les gadgets disponibles. Les murs blancs immaculés sont recouverts d’un épais plastique transparent, le puit de lumière au plafond permet de contempler la danse des bulles atmosphériques et le lit en apesanteur flotte au milieu de la pièce. L’envie de danser me prend aux tripes. Je branche alors mon esprit au système stéréo. C’est fou, même dans les lieux les plus retirés de la galaxie, il y a toujours de quoi écouter de la musique. L’ambiance à la fois morose et familière me fait l’effet d’une madeleine de Proust et me renvoie quelques années en arrière. Retenti alors Polygon Pulse de Maceo Plex qui me propulse directement au milieu d’une rave dans les roches pourpres et poussiéreuses de Mars. Un claquement de porte me fait sortir de cet état de transe. Ce doit être l’autre pensionnaire. Je décide de sortir pour faire sa connaissance. Ouvrant la porte, je tombe nez à nez avec iel et reconnais le poids de son regard. C’est celui de l’inconnu.e du bar, là, devant moi. C’est un être ni homme ni femme ou homme et femme à la fois, élancé.e et élégant.e, au visage argenté et au regard azur perçant.

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ESCADAVRES EXQUIS. Définition : Des œuvres à six mains qui mélangent illustration, récit et hasard.

II – Le texte :
Le premier rédacteur A rédige un texte. Il transmet sa dernière phrase au rédacteur B. B doit continuer le texte de A. Cette étape peut se répéter à l’infini.

I – Le dessin :
Une personne A’ reçoit les texte A+B. Il doit imaginer un dessin qui illustrerait les deux textes. Il envoie le quart droit de son dessin à B’. B’ reçoit un quart droit de dessin, et les texte B+C.


Spleen atmosphérique. Le troisième épisode intitulé Bleue comme une orange, finissait par une phrase de Nils Savoye que vous trouvez en gras au début de ce texte. Ici, le texte est prolongé par Albane Pedone. La partie gauche du visuel est de Julie Savoye. Pour la partie droite c’est Ben Ytruso.

La suite, qui repart du visuel de Ben et de la dernière phrase de ce texte (en gras ci-dessus), est à découvrir dans le cinquième épisode. Il y en a Sept en tout, qui forment une boucle.

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