La Fuite

La Fuite de Luce Terrasson pour L'Escamoteur

Deux personnes s’entretiennent dans un espace temps coupé de tout. Leurs propos sont à leur image : si obscurs qu’on n’en délimite pas le contenu ni même l’existence. Nous supposons qu’elles sont là, nous supposons qu’elles discutent. Magnanimes, nous partons du principe que cette discussion s’axe autour de la fuite. Le problème se pose alors : comment trouver, dans cette géométrie hors du temps, une ligne de fuite ? Comment, pour ces deux obscurs personnages, s’extirper de ce lieu ? La dernière fois nous quittions les sentiers battus de la musique pour évoquer les chats. Aujourd’hui nous suivons Luce dans les méandres de la fuite.


La fuite peut d’abord prendre le sens que lui donne Vianney – on a dit qu’on parlait pas de musique donc on a le droit. Je m’en vais. D’où ces escaliers, qui appellent au mouvement de vos pieds qui avalent les marches. Qui dévalent les marches plutôt. En montant ou descendant, comme quand vous voyez le verre à moitié vide ou à moitié plein. Une image digne du générique de Catch Me If You Can.

Surtout, ces pieds défilant sur les marches font penser à des doigts qui défilent sur des touches. On voulait fuire la musique mais elle s’impose à nous. Ses notes vont plus vite que nos maladroits pieds le long de ces marches. Nous entendons malgré nous résonner le chevalet et les notes noires et blanches qui l’actionnent. Le piano nous innonde.

Notre fuite prend alors une autre tournure : appelons-la fugue, en référence à cette forme d’écriture musicale. La musique part d’un thème qui est repris par plusieurs voix. Exemple : le piano commence sur un thème puis ce même thème est réinvesti par un violon puis par une clarinette et ainsi de suite. Cette fuite se fait alors d’une voix à une autre mais toujours dans le même univers. Le thème essaye de s’enfuir mais reste irrémédiablement prisonnier de la musique où il est né.

C’est quand la clarinette entre en scène que nous comprenons. Ce rectangle que vous discernez au bas de ces imaginaires marches. Ce rectangle n’est autre qu’un rideau et c’est derrière ce dernier que la musique joue. Ce que vous avez tenté de fuire, vous lui faites finalement face.

On parlera alors de fuite en avant, phénomène étudié en psychologie qui pousse l’individu à se jeter dans le danger qu’il redoute. Comme si de rien, vous découvrirez alors que vous êtes en fait habillé chic, que vos pieds ne foulent nul autre sol que celui d’un opéra et que suivant les pas de l’ouvreur à qui vous avez glissé un billet dans la main vous êtes désormais assis face à cette scène.

 

Le rêve est fini, il peut désormais commencer.

 

 

Signature et crédits :

Le son : Laake rigoureusement sélectionné par Luce Terrasson.

Le texte : Nils Savoye

Le visuel : Tout grand merci à la même Luce qui nous a une fois de plus fourni un très beau visuel. Pour consulter son non moins beau site c’est par ici : http://luceterrasson.com/

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