Sur les motos de Bouba et Rashad, on sillonne Lomé. On glisse à la surface de cette ville agitée, qui déborde. À chaque arrêt, on aperçoit un peu mieux ce qui fait sens dans les motifs des pagnes, ce qui s’enfouit dans le sable des rues, ce qui est protégé du soleil par des portes fermées. Du marché de Hédzranawoé à l’atelier du tailleur, de la plage à la danse : bonsoir, à toute heure du jour. Un grand tour de quelques heures, au rythme des klaxons, du vent de la mer et des woezon qui nous accueillent. C’est effectivement une bonne arrivée !
La cousine Margaux rayonne et n’a pas fini de nous impressionner. Elle connaît toutes les formules, et son langage est beau. Elle a un sourire fendu, ponctué d’intonations moqueuses, le même que les autres tatas devenues ses copines en chemin, dans le quartier Djidjolé. Elle nous apprend avec la patience, elle nous raconte toujours un peu plus ce qu’elle sait déjà. Le temps s’étire, les soirées sont douces après la frénésie du jour. La réalité est autre, on se la représente, on en vit des bribes, on prend acte.
Dans la voiture à sept, on franchit les barrages nombreux d’une armée qui ne veut rien, juste la monnaie. La nuit tombée, on passe à l’arrière d’un camion qui tente de grimper les chemins de montagne à la seule lumière de l’orage. Nous voilà dans la région de Kpalimé, là où la végétation est luxuriante et le sodabi délicieux. Dans le palmier, tout est utilisé : la noix donne la sauce, les feuilles sont fibres, la sève se change en vin.
On traverse les champs et les fermes, on voit les cultures d’igname et de manioc, on suit les cascades et les lacs. Tout ça, en compagnie de Patrice et Petro. Avec eux, on apprend à reconnaître et à nommer, à cueillir pour pouvoir goûter. Petro raconte toutes sortes d’histoires qu’il voudrait que l’on puisse voir. Un jour ? Mais le Togo, pour nous, ce sera trop court. Revenir, c’est possible, dit-il. Et on se reverra, évidemment. Seules les montagnes ne se rencontrent pas : les êtres se meuvent, les routes se croisent. On fait un vœux.
Le soir devient un grand concert. Au rythme des crapauds, Rashad et Bouba sont les chanteurs, Margaux et Marianne leur chœur. Ils l’affirment : demain sera meilleur. Il le faut. On ne sait pas de quoi il sera fait, mais à les entendre, on peut y croire encore, même en mars 2020. Et on leur fait confiance. On se demande d’où vient leur voix, comment ils la puisent et on se dit qu’elle dépasse toutes nos espérances.
Un son : Une composition de 3200ASA, avec les voix de Rashad, Bouba, Margaux et Marianne
Un texte : Marion Bonneau
Un visuel : Photographies argentiques du Togo, Marion Bonneau
Vous retrouverez ici la première carte postale de Marion, la toute première des cartes postales publiées sur notre site.