#3 – L’EscameuhMEUH. Cinquième partie : Les aventures de gros Rouf

#3 – L’EscameuhMEUH. Cinquième partie : Les aventures de gros Rouf

Bientôt 11h30, maman va rentrer à la maison, la table n’est pas mise et nous ne sommes définitivement pas présentables, débraillés et brindilles dans les boucles blondes. Tous les dimanches d’été, pendant que maman achète au marché de la viande à griller pour le barbecue, nous sommes chargés, avec P’tit Gaston, d’aller chercher des branches dans le bois d’à côté, et des fleurs pour garnir la tablée. Mamie Louisette et Pépé arrivent à midi tapantes, les bras plein de confitures et de guimauves à l’eau de rose. C’est comme ça. C’est le deal. Mais il est 11h30 et nous n’avons ni petit bois, ni fleurs et, cerise sur le gâteau, P’tit Gaston est dans son plus piteux état. Je lui crie de se débarbouiller la frimousse avec le tuyau d’arrosage du jardin et d’enfiler une chemise propre pendant que je m’affaire en tous sens : vite !, sortir la nappe et les serviettes de l’armoire à linges, hop !,  attraper assiettes, couverts, et verres en cristal dans le vaisselier. Je m’applique bien à ne rien faire tomber, parce que, comme dirait mamie Louisette, “Dieu que tu es maladroite !” Et alors que je garde les yeux rivés sur la carafe remplie d’eau que maman aime tant, Gaston déboule à toute vitesse, me projetant en mille morceaux sur le carrelage. Constat délicat de la situation : la carafe mise à mort, P’tit Gaston avec de la boue séchée au bout des doigts, chemise à l’envers, c’est la vraie cata. Je sens déjà le lourd poids de la culpabilité me tasser les épaules et les larmes me monter aux joues. Il allait falloir s’expliquer, puis bien encore, pour que maman ne soit pas trop fâchée.

Me vient alors l’éclair de génie : tout ça c’est la faute de gros Rouf. Car, oui ! si nous nous étions risqués jusqu’à la ferme du vieux Serge, celle tout au bout du chemin de terre, c’est que notre chien était devenu bien fou tout à coup ! En effet,  alors que nous étions dans le bois, à lutter contre les vilaines ronces pour choper du petit bois, gros Rouf s’enticha d’un pauvre écureuil, et le chassa jusqu’au bout du monde ! Jamais, oh grand jamais, je n’aurais osé défier les interdictions de maman de ne pas dépasser la grange de Mimi, si ce chien si capricieux, n’avait pas des envies avides d’aventures. Pas d’autres choix donc que de nous lancer à sa poursuite en délaissant nos fagots fraîchement collectés ! Je fus bien peinée quand il fallut faire passer à bout de bras le P’tit Gaston de l’autre côté de la barrière blanche, lui qu’avait si peur qu’il faillit en pleurer, mais pas question de laisser gros Rouf gambader n’importe où. Aussi, nous voilà bien promptement dans le verger des Rossier, où les cerisiers sont tellement rouges que ça aurait été pêché que de ne pas en donner au P’tit Gaston pour le consoler. Maman comprendra ça, pour sûr. Pour la boue c’est une autre affaire : le méchant chien des Rossier s’est soudain senti justicier, à nous aboyer dessus comme pas permis, ce qui nous a vite fait détaler. Notre seule issue : le Grand Lac, qu’est tellement riquiqui tant il a tari ! Mais P’tit Gaston a quand même réussi à se vautrer dans la flaque, et voilà la boue tout partout éclaboussée. J’aide P’tit Gaston à se dépêtrer, et je me dis qu’un peu d’eau pour Rouf et qu’un petit jus pour nous ne serait pas de refus après tout ce grabuge, et c’est là, et seulement la, que j’aperçois la ferme du vieux Serge. Coup de bol que celui-là soit spécialisé dans les jus de pommes, ça aussi maman en conviendra sûrement. Et, ensuite, hm, je sais !, mais avant que je n’ai pu tout formuler, la porte s’ouvre, maman est là, accompagnée de Pépé et mamie Louisette, la raclée tout de suite donc et à trois têtes ?! Je bégaie quelques phrases devant l’hydre, ne me souvenant déjà plus du récit que je venais de savamment fomenté… P’tit Gaston se rue alors sur maman et s’esclaffe “Onaféltourdumondeman ! Cétékedébétiz ! Crobien !” Je rougis, piteuse en voyant les yeux courroucés de maman. Mais Pépé me sauve, éclatant de son rire monstrueux : “Ce n’est pas bien grave Sophie. Moi aussi, la campagne je la connaissais par les ballades enfantines que j’avais faites!

ESCADAVRES EXQUIS. Définition : Des œuvres à six mains qui mélangent illustration, récit et hasard.

II – Le texte :
Le premier rédacteur A rédige un texte. Il transmet sa dernière phrase au rédacteur B. B doit continuer le texte de A. Cette étape peut se répéter à l’infini.

I – Le dessin :
Une personne A’ reçoit les texte A+B. Il doit imaginer un dessin qui illustrerait les deux textes. Il envoie le quart droit de son dessin à B’. B’ reçoit un quart droit de dessin, et les texte B+C.


Les aventures de gros Rouf. Le quatrième épisode intitulé De jeunes animaux à l’enterrement d’un escargot, finissait par une phrase de Fanny M. que vous trouvez en gras au début de ce texte. Ici, le texte est prolongé par Marie Lacroix. La partie gauche du visuel est de Ben Utryso. Pour la partie droite c’est Lucile Fauchier.

C’était le dernier épisode de notre cadavre exquis de cet été. La boucle est bouclée, la dernière phrase de ce texte (en gras ci-dessus) était la première phrase du premier épisode. La partie droite du visuel était la partie gauche du tout premier visuel.


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