#2 – L’Escamonaute. Septième partie : Chronique intergalactique

Chronique intergalactique par Mélisande Girard et Mathieu Gobrecht

L’espace peut être grand, il ne nous échappera jamais, de toute éternité. WE ALL LUV U, D. BLESSINGS

Elle plia la lettre en deux et la remit dans l’enveloppe. Une larme coulait au coin de son œil, elle l’essuya furtivement, comme pour refuser qu’elle ait pu se laisser aller. Même une seconde, même un quart de seconde.

Elle ne pouvait pas laisser un mot doux lui faire perdre de vue son objectif. Elle avait une mission. Professionnelle, certes, mais aussi personnelle. Elle avait besoin de se prouver qu’elle pouvait y arriver seule, qu’elle n’était pas trop sensible, qu’elle savait gérer ses émotions. Elle décida de prendre cette lettre pour ce qu’elle était : du soutien, des encouragements. Elle devait en faire une force, et non une faiblesse.

Sur cette note elle retourna dans la cabine, d’un air impassible elle rejoint l’équipage et reprit sa journée. L’espace d’un instant, à la lecture de ses mots, elle s’était sentie de nouveau sur Terre. Auprès des siens. Elle se rappela qu’elle n’était pas qu’une astronaute en mission, mais une femme, une mère, et qu’on pensait à elle. « L’espace peut être grand, il ne nous échappera jamais, de toute éternité », elle se répétait cette phrase. Comme pour l’ancrer dans sa mémoire. Comme pour en comprendre les multiples sens. C’était une façon de dire que rien n’est jamais trop grand, pas même l’espace. Qu’avec persévérance et courage, on peut arriver à ses fins. L’espace qu’elle étudiait, celui des étoiles, mais aussi l’espace qu’elle laissait entre eux, et l’espace qu’elle se donnait à elle-même. Rien ne leur échapperait jamais car ils avaient construit leur monde, leur intimité. Et peu importe le temps que durerait leur séparation, ils sauraient se retrouver.

Le commandant lui lança un regard interrogateur, elle lui répondit par un petit sourire. Ni trop discret, ni trop marqué. Comme on lui avait appris. Ici, pas d’états d’âmes. Malgré la proximité avec ses « collègues », elle ne pouvait se permettre de se livrer. Elle décida de garder secret le contenu de cette lettre et l’effet qu’il avait produit sur elle.  Mais lorsqu’elle se plongea à nouveau dans son travail, elle prit alors conscience de l’ampleur de la mission pour laquelle elle était là.

Dehors, tout était noir et lumineux à la fois. L’immensité de la galaxie lui rappelait à quel point elle était petite, et paradoxalement, à quel point elle était importante. Avoir la chance d’étudier cet « autre monde », celui qui nous semble à la fois inaccessible et pourtant si proche. Celui qui nous entoure et qui nous échappe.

Ils allaient reprendre l’antenne, sa chronique allait commencer. Ici se trouvait tout l’enjeu, cette émission lui permettait de donner des informations scientifiques à l’observatoire mais aussi de manière indirecte des nouvelles à ses proches. Elle ne savait pas comment parler de la lettre reçue sans qu’on le remarque autour d’elle. La musique retentit dans la cabine et elle se dit alors qu’elle improviserait. Elle trouverait un moyen de faire résonner les mots de la lettre dans sa chronique. Elle y pensa intensément, comme pour s’en imprégner. Le jingle se termina, il était temps : « Stella Strak à l’antenne, il est 8h, journal du 23 mai 2058. Le taux de pollution bat tous les records. »


ESCADAVRES EXQUIS. Définition : Des œuvres à six mains qui mélangent illustration, récit et hasard.

II – Le texte :
Le premier rédacteur A rédige un texte. Il transmet sa dernière phrase au rédacteur B. B doit continuer le texte de A. Cette étape peut se répéter à l’infini.

I – Le dessin :
Une personne A’ reçoit les texte A+B. Il doit imaginer un dessin qui illustrerait les deux textes. Il envoie le quart droit de son dessin à B’. B’ reçoit un quart droit de dessin, et les texte B+C.


Chronique intergalactique. Le sixième épisode intitulé Errance spationautique, finissait par une phrase de R. que vous trouvez en gras au début de ce texte. Ici, le texte est prolongé par Justine Marcoux. La partie gauche du visuel est de Mélisande Girard. Pour la partie droite c’est Mathieu Gobrecht

C’était le dernier épisode de notre cadavre exquis de cet été. La boucle est bouclée, la dernière phrase de ce texte (en gras ci-dessus) était la première phrase du premier épisode. La partie droite du visuel était la partie gauche du tout premier visuel.

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