[Des textes pour l’ARN #15] Les fresques de Rémelange

Rémelange par Nelly Monnier et Eric Tabuchi

Depuis novembre dernier, les archives de l’Atlas des Régions Naturelles (ARN) sont disponibles sur internet. Il s’agit de milliers de photographies prises par Nelly Monnier et Eric Tabuchi sur les routes de France au cours des dix dernières années. Nous avons lancé un appel à contribution où on vous propose de choisir une photo, d’écrire, de trouver une musique et de nous envoyer le tout par mail. Voici la quinzième contribution que nous avons reçue, écrite par Sylvia Hansel. Si vous souhaitez proposer la vôtre, envoyez-la à contact@lescamoteur.fr (plus d’informations ici).


Je me souviens de l’émoi qu’a suscité l’apparition de ces fresques dans le quartier derrière chez ma grand-mère, à Fameck (57). C’était vers la fin des années 80, je devais avoir 6 ou 7 ans. Le peintre, pour réaliser cette fresque et les quelques autres qui ornent les murs des bâtiments environnants, s’était inspiré de photos anciennes prises dans la ville. Ici, la tourelle représentée est celle du château de Rémelange qui se trouve non loin ; autour, des paysans posent en famille pour le photographe, avec leurs vaches.

Je me souviens de ce dimanche après-midi où, après le déjeuner familial, nous étions allés faire cette promenade que nous appelions « le tour du village » sans que je comprenne vraiment pourquoi, vu que Fameck est une ville et non un village et que, du reste, on n’en faisait pas le tour – le « tour du village » était en réalité le tour du pâté de maisons et ne prenait que dix minutes, et encore, en marchant à l’allure de vieille dame. L’échafaudage devant la fresque avait enfin disparu et nous nous tenions tous, cousines, tantes et grand-mère, devant l’œuvre dont les couleurs étaient alors vives. Les tantes s’extasiaient, admirant le réalisme et la précision des coups de pinceau. Ma grand-mère, émue aux larmes, reconnaissait certains portraits : « Regardez, c’est le fils du Coco, quand il était petit ! J’allais à l’école avec lui. Et là, c’est votre grand-oncle du côté du Pépé, vous ne l’avez pas connu il est mort à la guerre… » Mes cousines et moi n’avions aucune idée de qui était le Coco, et encore moins son fils, mais force était de reconnaître que ces fresques, c’était tout de même drôlement beau, mieux que ces murs de HLM tout gris et moches qu’il y avait avant. Nous admirions la prouesse artistique, et pensions vaguement au fils du Coco et à feu notre grand-oncle chaque fois que, au cours des années suivantes, nous faisions le « tour du village » à vélo.

Ensuite est venue l’adolescence, les « tours du villages » se sont raréfiés et ces fresques sont devenues, à mes yeux, d’un kitsch tout fameckois. Ma grand-mère a quitté le quartier, puis ce monde. Je vis à Paris, et j’ignorais que mon cerveau eût stocké quelque part des informations relatives aux fresques de Rémelange, jusqu’à ce jour où j’ai visité l’ARN et ai naturellement dirigé la souris vers la région de Thionville, retrouvant des bouts d’enfance.


UN SON : The Summerhouse de The Divine Comedy, 1994

UN TEXTE : Sylvia Hansel, dont vous pouvez suivre les aventures de podcasts, musique et littérature sur son site

UN VISUEL : Rémelange photographié par Nelly Monnier et Eric Tabuchi dans le cadre de l’Atlas des Régions Naturelles.

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