La routine particulière de Peder Mannerfelt

peder mannerfelt par luce terrasson pour un article de antoine de nardi sur l'escamoteur

Une année s’est écoulée depuis la sortie du dernier album de Fever Ray sur lequel il a collaboré. Le suédois Peder Mannerfelt balançait le 16 novembre dernier son troisième album Daily Routine.

Ramener la schnouf à la maison

En 2013, il quittait son pseudonyme de The Subliminal Kid pour réadopter son patronyme de naissance. Sous son nom, il a entraîné son public dans sa recherche de décontraction de la techno telle qu’on l’entend en sortant deux albums et trois EP tout plus hallucinés les uns que les autres.

2018 ayant été pour lui un aller-retour permanent entre le live et sa vie de famille, c’est en regardant autour de lui qu’il a décidé de dépeindre le quotidien. Fidèle à son sens de la distorsion, Peder nous épargne les jours de marché et les soirées télés en injectant une bonne dose de club culture à son train-train quotidien. Il faut dire que le contraste entre les deux casquettes est d’autant plus grand quand on sait qu’il peut envoyer les morceaux les plus acid de Robert Hood jusqu’au métal de All Pigs Must Die.

Si, au départ, l’écoute de ce voyage oscillant entre techno et ambient laisse penser que celui-ci a eu raison de la santé mentale du jeune père de famille et qu’il le fait sombrer peu à peu dans une aliénation profonde, on trouve aussi une certaine tendresse au milieu de ce vacarme.

 

Une famille en or

Initialement, l’intention de bien faire est bien là avec un moment de partage en guise d’introduction. Mannerfelt explique l’ouverture de son prochain spectacle sous une pluie de dérapages électroniques quelque peu angoissants. Vient ensuite une plongée volubile dans ce retour à la vie inactive avec Hibernation Hyper Nation. Le morceau phare de l’album est agrémenté d’un clip – celui ouvrant notre playlist –  qui fait se croiser lasers de club et tâches quotidiennes. La maison se transforme en morne discothèque. La journée se déroule comme une soirée, avec montée, descente et passage obligé sous la lumière blafarde du fumoir. Cigarettes, This Machine Shares Memes et How Was your Day? rappellent ensuite ces répétitions, ces petites choses insignifiantes que l’ont fait sans même s’en rendre compte lorsqu’on passe un peu trop de temps en cage. En coup de vent, Sissel Wincent vient amuser les gamins sur Sissel & Bass telle la tata cool qui apporte des sucreries à chaque visite. Signée sur le label éponyme de l’artiste, Wincent avait déjà pu montrer l’étendue de son talent en mai dernier en sortant un EP bardé de techno glaciale avec des morceaux d’organique dedans. Ici, son discours sur la nostalgie est ponctué d’un sample répétant le mot « bass » à outrance. Retour à l’équilibre et recherche de sérénité sur Weighing My Brain. Manny découvre la méditation  avant de sombrer dans sa Temporary Psychosis (le yoga c’est pas pour tout le monde).

Il conclue par Tried It avant de redécoller vers la vie électronique.

 

Avec Daily Routine, l’expression « l’album de la maturité » prend tout son sens ici puisqu’elle en est le principal sujet. Un album rempli d’autodérision, réalisé avec du recul et qui sort la techno des sous-sols sombres où elle aime se terrer pour lui faire rencontrer le monde réel. Un argument de plus pour qui voudrait affirmer que la musique électronique peut aussi être une grille de lecture que l’on peut appliquer à une infinité de situations. C’est peut-être aussi ça l’expérimentation. Si Peder Mannerfelt a fait un pas de plus avec cet album, c’est bien celui-ci.

 

Signature et crédits :

Le son : Ecoutez Peder Mannerfelt-Daily Routine (Peder Mannerfelt Produktion, 2018) ici

Le texte : Antoine de Nardi

Le visuel : Luce Sagmeister

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