Migos, historicisation du concept de dab
Look At My Dab est un titre à succès du groupe Migos qui remonte à 2015. Le dab, c’est ce geste qui pourrait entrer dans les mythologies de notre univers quotidien au sens où Roland Barthes l’entend : c’est « un système de communication, c’est un message ». Qu’on le veuille ou non, tout un pan de notre culture contemporaine que chacun de nous identifie directement, sans pour autant savoir lui donner un sens ni comprendre ses origines. Derrière le dab on trouve Pogba, d’autres footballeurs ou encore des rappeurs. Se distinguent aussi des mecs en smoking. Bien avant que Migos, les rappeurs Géorgiens que Marie vous a dessinés, ne s’approprient le dab avec cette musique, n’en donnent le nom à leur tournée le « Dab Tour » en 2015, ou encore se fritent avec le rappeur Peewee Longway sur la paternité du geste… Bien avant tout cela, on trouve des hommes en costume dans le coin d’Atlanta (Géorgie, comme par hasard).
Faites un dab, non pas pour le plaisir de faire un dab, mais pour sentir à quel point les habits du côté de votre coude et de votre omoplate sont tendus. Tendus, ils frisent la rupture. Le dab, c’est ce geste qui joue avec cette tension. Vous êtes sapé comme jamais à votre soirée et vous voulez flamber. Chacun a mis un beau costume mais vous voulez prouver que le vôtre est de qualité, qu’il est sur mesure. C’est là que vous faites un dab. Si le costume ne craque pas, c’est qu’il vous sied à ravir. Heureux,vous avez montré et prouvé que votre costume était un vrai de vrai. Du sur-mesure ! S’il craque, ou si vous n’osez pas daber de peur que cela arrive, alors vous avez perdu. Voilà ce qu’est le dab, qui par un long cheminement d’acronymes et d’abréviations puis de rallongements est en fait synonyme de « débonnaire », entendre ici à la cool.
Le flow de Migos
On avait lu un superbe article sur le dab et on voulait donc vous en parler. Qu’en est-il désormais de Migos quand on y va plus en avant ? Tout comme pour Arsenik à la fin des années 1990, c’est avant tout une affaire de famille. Les trois membres du groupe sont liés par Quavo qui se frotte les mains sur la droite. Offset, cousin de Quavo, se cache derrière ses lunettes de soleil. Enfin, Takeoff est le neveu de Quavo et si vous avez un peu suivi vous avez vu qu’il porte une boucle d’oreille.
L’idée est que le rap, tout comme n’importe quel courant artistique, évolue avec son temps. On pourrait penser au vocodeur récemment largement usité notamment dans le rap français. On pense là seulement à la voix mais en revenant aux racines on peut penser tout simplement au sample, avec ces producteurs qui mettaient en valeur des breaks pour que des MCs puissent raper dessus. Exemple classique s’il en est un, le Rapper’s Delight de Sugar Hill Gang qui sample le Good Times de Chic. Tel passage de 3 ou 5 secondes était ainsi reproduit indéfiniment pour qu’un MC puisse fixer son flow dessus.
Quoi de surprenant alors chez Migos ? Ce que nous retenons du groupe, c’est une certaine idée du flow : saccadé mais connaissant des breaks. Ainsi, la voix a connu avec Migos une nouvelle technique qui s’est largement répandue dans l’univers du rap. Rapide mais par à-coups. Comme si vous lisiez très vite mais trois mots, pause, trois mots, pause… Vous restez sur votre faim ? Ecoutez la playlist, pas besoin d’en dire plus.
Visuel : N&B de Marie Casaÿs
Son : playlist de Benoît Guéré
Texte : Nils Savoye