Traits de Marie #11 – 36ème Grunt six ans après la première

Grünt - Une illustration de Marie Casays pour un article sur www.lescamoteur.fr

Grünt, c’est un peu la Boiler Room du rap. Pas dans le sens où il y a du son qui claque et des gens qui tentent de s’approprier le peu d’espace disponible pour danser. Plutôt dans le sens où, avec le temps, la chose est devenue une référence. Tout comme il est de moins en moins évident de ne pas avoir de Boiler Room pour les DJs qui pèsent dans le game, Grünt serait devenu le passage obligé des rappeurs francophones de ce monde.

Pour rappel, Grünt c’est des rappeurs qui improvisent autour d’une table pendant plus ou moins une heure tandis que la prod tourne. A l’occasion de la sortie du 36ème du nom, petit historique de ce phénomène qui rétrospectivement n’était pas forcément voué à prendre une telle ampleur.

On attend le bon timing pour briller

Dans Grünt les participants sont comme des danseurs en club. La musique passe, eux ils sont là et ils ont prévu leurs pas de danse – en l’occurrence, leurs mots. Costo, le seul et unique DJ des bandes-sons de Grünt, balance ses prods et les rappeurs se les approprient par de petits signes ou conventions. Comme pour un bœuf en jazz, les impros ont une durée précise et les solistes se suivent. Cette durée est de 16 mesures. Par extension, on parle de “16” pour évoquer ledit solo. Pensez à Caballero dans la Grünt 33 : « Oui oui oui je trouve Trump zinzin, mais pas plus que mon 16 dans la Grünt 25 ». Une forme d’improvisation donc, mais avec des règles bien précises.

Culture commune

Il y a impro et impro. L’autre jour, un homme le long du canal demande 1 prénom, 1 objet et 1 époque. Il fait 5 minutes de rimes drôles et bien construites, avec une histoire qui tient la route. Un génie ? Du génie il en a, oui, mais improvisation rime avec répétition. A la manière des anciens bardes, il y a tout un lexique qui fait partie de la culture commune du freestyle. Il arrive qu’une phrase soit commencée seule pour être terminée à plusieurs. Un des moments les plus jouissifs est sans doute dans la Grünt 25 mentionnée plus haut le 1-2 entre Doums, 2zer Washington et Lomepal en fond.

Les 16 de Grûnt ont donc une existence avant et après le freestyle. On imagine que ceux qu’on entend ont d’abord été partagés au sein des différents crews présents (La Mannschaft, L’Entourage, Les Tontons Flingueurs…) mais sont aussi réinvestis dans des albums futurs. On peut penser à Romeo Elvis et son « Au départ j’voulais juste faire un feat avec l’ODC » (ndlr L’Or Du Commun), présent dans la Grünt 33 tout comme dans son titre Agora.

Grünt #1 : des kros et des blunts

Quels besoins pour un freestyle de rap ? L’inspiration est stimulée par les substances que vous imaginez. Ecoutez l’intro monumentale de Lasco dans la Grünt 27 qui s’achève par un “Roule un blunt impecc'”, alors qu’une prod funk à souhait monte en arrière-plan. Une constante.

A l’inverse l’hydratation évolue avec l’âge. Quand on regarde la première Grünt on voit (en plus de Nekfeu avec une tête bien rajeunie) une petite dizaine de mecs autour d’une table, filmés en mauvaise qualité. Comme ta mère ils boivent des kros dont les étiquettes sont partiellement déchirées tandis que certaines vides servent de cendrier. Une image banale qui rappellera le passé estudiantin de bien des badauds.

Quelques Grünt plus tard ça boit des Heineken voire du May Tea sans doute coupé. Le liquide révèle l’évolution du projet. Pas de l’embourgeoisement mais plutôt de la professionnalisation. C’est plus la bande de potes qui squatte le salon de l’un. Les mecs qui passent sortent des albums, à l’image de Nekfeu présent dès la première Grünt et qui une vingtaine d’épisodes plus tard (pour la fameuse 25ème) se voit dédié un épisode pour la sortie de son premier album Feu en juin 2015.

Et en novembre 2018, Anna Kova se joint au projet pour être – dites-nous si on se trompe – la première femme à kicker dans une Grünt. [Après vérification c’est la deuxième personne à représenter la gente féminine, on avait Pand’Or dans la Grünt #13 avec Sëar lui-même]. En vous souhaitant une bonne écoute !

Signature et crédits :

Le son : Suivez Grünt sur YouTube

Le texte : Nils Savoye

Le visuel : Tout grand merci à Marie Casaÿs qui vous a ici dessiné (par ordre d’apparition) Doums, Deen Burbigo et Vidji dans la Grünt 25.

On prend pas assez le temps de parler de rap sur notre site mais Marie et Nils avaient mis JoeyStarr à l’honneur, en parlant de sa carrière avant NTM, insistant sur sa passion du graphe et de la danse.

S'inscrire à notre newsletter

L'Escamolettre revient une fois par mois sur les derniers projets de l'association.