Gjon Mili, l’énigme de la vitesse aux Arts Décoratifs

Gjon Mili, The juggler Stan Cavenaugh, 1941 © Time Life Pictures/Getty

Aujourd’hui on vous propose une énigme photographique avec Gjon Mili. Je suis à l’exposition du musée des Arts Décoratifs intitulée “Histoires de photographies” et je vois son nom, parmi tant d’autres. Il est écrit après une phrase de ce genre : « à l’époque on n’avait pas l’habitude d’exposer le travail de photographes dans les musées, si ce n’est quelques-uns bien connus ». Et là je lis Gjon Mili – que je ne connaissais absolument pas – et il suffit de faire quelques pas pour élucider le mystère de ce beau nom et découvrir le travail qui se cache derrière. Rassurez-vous je ne vous ai pas spoilé, la photographie de cet article n’est pas présente à l’exposition. Seul est présent un cliché qui reprend la même technique que celui ci-dessus. La technique en question est l’énigme à résoudre.

La vitesse, quelle vitesse ?

Prendre une photo argentique, c’est laisser la lumière s’imprégner sur une pellicule photosensible pendant une durée donnée et une quantité de lumière donnée. Cette durée, on l’appelle la vitesse, et la faire varier modifie le résultat final : un temps de pose très rapide vous permettra d’isoler nettement le battement d’aile d’un oiseau, à l’inverse le même oiseau aura les ailes floues si vous optez pour un temps de pose plus long. Que dire alors de cette photo de Gjon Mili ? Pose longue, pose courte ? Entre les deux ?

La réponse

On suit les balles pour les compter et on en dénombre vingt-et-une. Complexe de jongler avec vingt-et-une balles, n’est-il pas ? On cherche un autre point d’accroche pour résoudre l’énigme et on voit que Sten Cavenaugh, le jongleur, a sept mains droites. On arrive bien à les compter car elles sont nettes, signe que le temps de pose serait logiquement plutôt court.

Plutôt court mais on se dit bien qu’il y a quelque chose… Ces mains, ce n’est pas possible ! Point commun entre sept et vingt-et-un ? Des multiples de sept. On peut donc tout diviser par sept : on aurait une seule et unique main droite pour le jongleur et non pas vingt-et-une balles mais seulement trois. Plus plausible comme acrobatie. Mais comment s’est opérée la superposition ?

La réponse est dans les soirées camping et leurs incroyables stroboscopes. Vous savez, cette source de lumière qui alterne obscurité et flash éclatant. Mili a fait une pose longue, et au cours de cette longue pose où l’appareil captait de la lumière, le stroboscope a alterné sept phases de jour/nuit (de quoi ravir Jacquouille). Il y a donc sept photographies prises consécutivement pendant que Sten jongle. Sept photographies qui s’enregistrent et se superposent sur le même support pour retracer le mouvement du jongle.

Envie de tenter l’expérience ? L’Escamoteur vous accompagne,
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UN SON : Un live de NSDOS à la villa Medicis en juin 2018, car ce serait une musique bien inspirante pour une première séance de photographies stroboscopiques

UN TEXTE : Nils Savoye

UN VISUEL : Gjon Mili, The juggler Stan Cavenaugh, 1941 © Time Life Pictures/Getty

L’exposition “Histoires de Photographies” est visible au musée des Arts Décoratifs jusqu’au 12 décembre 2021.

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