La maison est toute neuve mais pas neuve. On est à une dizaine de kilomètres de Saint-Cirq-Lapopie et elle se situe à l’entrée du village de Cénevières, dans le Lot : une ancienne ferme sertie de deux poulaillers « en dur ». Il faut bien évidemment nettoyer tout ce qui y est resté/s’est accumulé depuis une bonne dizaine d’années. Et faire un enclos pour que les poules puissent prendre un peu l’air, un air renards free.
On a le grillage de poule, on a les piquets, on a la grelinette, on a la pioche. On fait un plan pour faire l’enclos le plus grand possible avec les 20 mètres de grillage qu’on a. On creuse une tranchée où on enfoncera les piquets et le grillage, que les renards ne puissent se faufiler dans ce temple d’amour dédié à ces dames les poules.
On est dans le Lot juilletiste et il fait chaud, les travaux font perler la sueur directement des sourcils au sol, et quand le voisin passe nous faire coucou on n’est pas peu fiers de l’accueillir en inspecteur des travaux finis. « Oui oui c’est pas mal. Vous avez acheté du béton ? » Voilà son premier retour. Car oui, il se meut renard dans sa tête et voit toutes les failles de notre système. Si on finit l’enclos à tel endroit le renard passera par le toit du poulailler, si on fait une tranchée si peu profonde il va gratter, s’il n’y a pas de béton il va gratter. Aussi, il enlève à la main un des piquets qu’on a galéré à planter avec maillet et tout le toutim. Il va dans son pickup, apporte une barre à mine, secoue le bousin dans le trou, replante le piquet puis plus moyen de le bouger du sol.
Très pédagogue, il ne nous déprime pas. « C’est bien ce que vous avez fait, mais juste si vous voulez que ça dure une bonne dizaine d’années vous serez mieux à couler du béton. » On est contents, il nous a dit qu’il envisageait notre présence ici déjà pour plus de dix ans.
Quelques jours plus tard, le poulailler est prêt et les poules, quatre petites grises, ont été commandées à la coopérative de Limogne. On organise une soirée pour leur trouver un nom. Chacun met quatre noms dans un chapeau et on finit par faire une sorte de Time’s Up inversé où petit à petit on écrème en enlevant les noms qui ne nous vont pas. Après deux heures de votes acharnés, nos poules ont désormais une identité : Nyarlathotep, Josiane, Zézette et Deluxe.
Je suis revenu à Paris depuis, elles me manquent.
UN SON : Watcher Of The Skies de Genesis, parce qu’on soit sur sa pochette un joli renardeau et que pendant la tournée de cet album Peter Gabriel l’incarnait d’une manière un peu flippante.
UN TEXTE : Nils Savoye
UN VISUEL : Photographies de Marie Lacroix & Nils Savoye, prises avec un Pentax MX. Pellicules Delta 400, Washi D & Fomapan 200.