L’idée avait été lancée comme ça un vendredi soir de janvier à la sortie de leur concert à l’Olympic Café. « J’aimerais bien vous interviewer ». J’avais été convaincu par leur single Sunny Stuffs sorti le jour-même. Je retrouvais dans leur musique tout ce que j’aimais écouter dans mes années lycée, cet indie rock de l’apogée Pitchforkienne. Celui qui faisait rêver de vacances californiennes à travers l’objectif de la super 8 remise au goût du jour et qui annonçait l’esthétique d’une bonne partie des scènes alternatives à venir. Japons a su capter l’essence moderne de ce mouvement et délivrer une vibration particulière ce soir là au fin fond du 18ème arrondissement de Paris.
Trois semaines plus tard, je rejoins les membres du groupe dans les studios de répétitions du point Ephémère où la scène montante francophone défile depuis plusieurs années déjà. Auparavant, des labels comme Pan European Recordings ou Microqlima y ont élu résidence pour faire répéter des artistes comme Flavien Berger, Judah Warsky, Isaac Delusion…
Leo, Will, Steph et Phil sont dans un studio…
Léo (chant et guitare), Will (guitare), Steph (basse) et Phil (batterie) sont en place quand j’arrive. Le week-end précédent, ils ont envoûté le Supersonic, ils sont prêts à en découdre avec leurs nouvelles compos.
Pendant que Léo est parti en quête de bières, les autres membres m’expliquent qu’ils ont mis plus d’un an à sortir le premier EP qui est en grande partie composé de morceaux écrits par ce dernier auxquelles ils ont chacun ajouté leur grain de sel.
Will a intégré le projet après les autres, le groupe ne songeait pas encore à se lancer et les choses se sont concrétisées petit à petit. L’EP Lost a été enregistré en Mars et Juin derniers, masterisé en Octobre. Ont suivi les singles Lost et Sunny Stuffs puis enfin la sortie du projet le 1er février dernier.
Phil, assis derrière sa batterie surplombée par un portrait en canevas de Michel Sardou, m’assure que pour le prochain projet, tout se fera plus rapidement.
A quelle scène appartiendrait Japons ?
Je sens qu’ils en veulent. Voilà un groupe qui a pris ses marques, jaugé les forces et les faiblesses de chacun et sait où il va. Ils avancent sans pression : « le projet global c’est juste d’être meilleurs ». L’objectif pour Will est d’améliorer la cohésion du groupe, « créer ce truc au fur et à mesure, qu’on puisse déduire les mouvements de l’autre, ses idées ».
Mais l’entente paraît déjà présente, la séance de création qui va suivre me confortera dans cette idée. L’instinct prime, et tous s’accordent sur ce point quand on aborde la question de la pop francophone et des musiques qui fonctionnent. lls ne pensent pas faire partie d’une scène, d’ailleurs il est vrai qu’en France peu de groupes leur ressemblent.
Steph relève ce « désir d’appartenance », cette « envie de créer une scène », le « fantasme des années soixante-dix, des punks ». Léo lui emboîte le pas: « tout le monde fantasme une scène homogène mais ici par exemple on vient tous de groupes qui s’inspirent d’autres époques, des musiques qui ont pas forcément vocation à se mélanger étant donné qu’elles émergent de scènes différentes dans l’histoire ».
Créer un nouveau courant, c’est donc avant tout laisser parler les influences. Phil note d’ailleurs que par rapport aux générations précédentes où la musique était plus catégorisée, celle d’aujourd’hui, qui a les moyens d’accéder à plus de contenus différents, peut « écouter de la pop indé, écouter PNL et aller à la Concrete se mettre 12h de techno sous taz le week-end ».
La Japons touch : surf et bidouillage audiovisuel
Ce qui émane de Japons, c’est une fidélité totale à leurs influences et un fort désir d’authenticité. Lorsque je dis à Léo que, dans ses compos, j’entends Girls et Destroyer, celui-ci me remercie en acquiesçant et ajoute Ariel Pink, Matt Fishbeck et John Maus à la liste de ses mentors. Quand je lance le sujet du surf, dont l’esprit apparaît clairement dans leur son, tous m’avouent fièrement leurs origines littorales (de Nice aux côtes bretonnes) non sans s’invectiver sur la surf crédibilité de leurs régions respectives. Et tout ceci me fait réaliser encore plus que ces mecs ont mis toute leur personnalité dans leur musique. Pour le visuel également, chacun a ses « skills » en vidéo. De la réalisation au montage, ils se partagent les tâches et leur patte se retrouve dans le résultat final.
Leurs deux premiers clips sont marqués d’une certaine nostalgie. Du cinéma d’horreur bollywoodien des années soixante-dix pour Lost aux vidéos de surf psychédéliques traitées façon caméscope, le chassé-croisé des cultures dont sait faire preuve la jeunesse qui a grandi avec du contenu culturel à volonté se dessine ici. Le groupe aimerait tout de même passer à la réalisation caméra en main pour l’avenir, DIY oblige.
Notre discussion terminée, j’assiste à la création d’un morceau de A à Z. Comme prévu, Léo a amené sa compo et les autres confrontent leurs idées pour la faire sonner le mieux possible. Et tout ce qui a été dit avant devient clair. Les idées se confrontent, s’entrechoquent parfois mais au bout de deux heures l’idée est là et les gars ont accouché d’une nouvelle création.
Devant tant d’effervescence je ne saurais donc que vous conseiller de suivre ce groupe qui risque de nous étonner dans les mois à venir.
Signature et crédits :
Le son : L’EP Lost est dispo en numérique sur le Bandcamp de Japons
Le texte : Merci à Antoine De Nardi pour cette rencontre (vous pouvez suivre son tumblr ici-même)
Le visuel : Merci à Marion Piauley pour cette illustration tirée d’une photo du groupe en studio.