Au détour d’une conversation, deux personnes évoquent le fait de « rater » des photos. Film mal enclenché, réglages mal faits, pile défectueuse ou même absence d’appareil photo au moment choisi… Nous avons décidé de retrouver ces clichés, en utilisant tout ce qui nous passerait sous la main sauf des photos. L’appel à contribution a été lancé début mars et voici la septième « photo sans photo » réalisée par Juliette Kasmi : Appareils photo en perdition. Si vous souhaitez proposer la vôtre, envoyez-la à contact@lescamoteur.fr (plus d’informations ici).
Les photos sont perdues.
Un pincement dans le cœur, chute de tension psychique, mon regard qui bug, une pause dans le temps.
– Allez ce n’est pas grave !
– oui mais quand même, tous ces moments que j’ai passés, que j’ai partagés, dont je voulais me souvenir, même du pire.
– tu en referas d’autres, me répondis-je.
Le sac contenait trois appareils photo jetables : oublié dans le RER A direction Boissy-Saint Léger. Nous sommes allés le chercher le lendemain au terminus avec Jeoffrey, mon nouveau meilleur ami-petit-copain.
HOURRA ! On l’a retrouvé aux objets trouvés, ou plutôt aux objets perdus.
Nous étions repartis pour chez moi, mais j’ai réussi en trente minutes à le reperdre dans les transports en commun.
J’étais désespérée, et en même temps je suis habituée.
Je m’imagine parfois quelqu’un qui le retrouve, développe les photos et se les rapproprie. Peut-être un jour les reverrai-je sur un grand mur peint ou bien dans une galerie à Paris.
Je ne sais même plus trop ce qu’il y a dessus. Jeoffrey m’en avait offert deux au Nouvel an. Il y a des photos du Nouvel an, de sa campagne du Nord-Pas-de-Calais. Ces étendues de champs. J’étais arrivé le 31 décembre pendant la nuit, je ne savais pas ce qu’il y avait autour de sa maison. J’avais découvert aux premières lueurs de l’aube du 1 janvier, ce surprenant paysage gelé, dominé par un vert d’eau.
Je ne sais plus. Sûrement des selfies d’amour, des paysages de Corrèze, de soirées mouvementées, des clichés ratés.
En parlant de clichés ratés. Je viens de développer de nouveaux appareils photo jetables.
Je vous partage, en toute intimité, des photos non révélées.
J’en ai loupé pas mal.
Je ne vois rien à part du grain.
Tout est gris, on s’ennuie.
Je perçois une lueur,
Sur des photos sans doute sans pudeur
Je sous-entends une silhouette
Je crois que c’est moi, Juliette.
Cela ne représente rien
Mais ces couleurs me font du bien.
Comme un souvenir flou.
Je cherche cet instant dans les limbes de mon cerveau,
Dans les recoins poussiéreux de mon petit studio.
Ce n’était il n’y a pourtant pas si longtemps…
A travers des fenêtres
Donnant sur Paris,
Flottante dans un cadre noir
A l’abri des regards.
Les photos nettes me permettent
d’élucider quelques incompris.
Je me rappelle alors,
De cette perception figée, à tout jamais liée avec ces photos,
Cette relation que nous avons si chère à notre cœur pour ces fresque de nos vies,
Que nous ne voudrons pour aucun prix les échanger mais que nous voudrons créer encore et encore avec nos amis aimés ou bien des prochains étrangers.
UN SON : One Of The Girls de Otha, le groupe du Jeoffrey mentionné dans l’article
UN TEXTE : Juliette Kasmi
UN VISUEL : Résidus des appareils photo de Juliette Kasmi