Je m’avance. Mes pieds s’enfoncent. Je vais un peu plus loin. Mes pieds ne touchent presque plus. Je les décolle, j’active mes bras, mes jambes. Je me sens submergée. L’eau m’entoure. Les mollets, les genoux, le ventre, les épaules. Je m’engouffre un peu plus. J’y mets la tête. Et j’avance.
Je veux m’éloigner. Un peu plus loin, un peu plus profond. J’avance toujours. Je n’ai pas de trajectoire. Je me retourne, j’ai perdu de vue la plage. Tant pis, autant continuer. Je décide de regarder sous mes pieds.
Pour l’instant, rien de bien transcendant. Du sable, beaucoup. Des poissons gris, presque imperceptibles. Mais mes yeux commencent à s’habituer. Ils ne sont pas gris. Ils changent de couleur à la lumière. Il n’y en a pas qu’un, ils sont en groupe. Je décide de les suivre. Je les perds de vue. Je continue mon voyage.
Les algues se dispersent. J’aperçois le fond de la mer. Je veux m’en approcher. Je plonge, c’est beaucoup plus profond que ce que je pensais. Je remonte à la surface, reprends mes esprits, et j’avance. Je décide d’admirer de loin. Le fond, les poissons, les roches. Je ne suis que spectatrice ici. Je me sens en dehors de ce monde, alors que mon corps tout entier est submergé.
J’accepte alors cette distanciation. Physiquement là, moralement ailleurs. Ce n’est pas la première fois que j’ai cette sensation. Je décide de lâcher prise. J’observe le tableau qui s’offre à moi. La profondeur me donne le vertige. Je dois accepter la frustration : tout est si proche et si loin à la fois. Je ne peux pas réellement m’approcher, je ne peux rien toucher. Je peux seulement contempler.
N’est-ce pas là finalement le comble de la beauté ? Ne pas pouvoir s’en approcher totalement, ne pas pouvoir l’appréhender, pire encore, la posséder. N’est-ce pas là le but de la beauté ? A tout le monde mais à personne. Partout et nulle part à la fois.
UN SON : Hardcore de Odezenne
UN TEXTE : Justine Marcoux
UN VISUEL : Photographie prise sur la plage du Trayas (Saint-Raphaël)
Pour les fans d’Odezenne ils illustraient en décembre 2019 une carte postale de Mathilde Pérahia (la vingt-deuxième) à lire ici.