Toute une histoire. Né en 1955 à Brooklyn, Nicky Siano a une belle moustache. Pas au début mais ça vient avec le succès. C’est en 1971 qu’il expose son génie pour la première fois dans sans doute une petite soirée new-yorkaise où il mixe tranquillement. Habitué à traîner vers Coney Island avec son pote Larry Philpot, l’homme est passionné de musique, tant pour en écouter qu’en jouer. En jouer oui car pour eux c’en est un. Pour rappel, Larry Philpot n’est autre que Larry Levan, le dj mythique du Paradise Garage, club new-yorkais que toute boîte de nuit essaye aujourd’hui de recréer tant bien que mal.
Ni vu ni connu Nicky monte sa boîte
En 1972, Nicky Siano ouvre avec son grand frère Joe The Gallery à Soho. Fort de son statut – on le dit le meilleur dj in town – la boîte va casser la baraque. Easy, imaginez que Todd Terje ouvre une boîte à Oslo, les Norvégiens ont une trique vénère et s’y promènent tous les jours possibles. Assurément. D’ailleurs, on vous parle de Larry Levan et le parallèle est intéressant : deux figures mythiques liées à un club. Des DJs qui sont aussi DA et ne se contentent pas de passer de la musique mais diffusent plutôt une atmosphère générale qui crée l’identité du lieu.
Donc l’homme est à l’origine de ce lieu légendaire. Notons entre autres que c’est là que Grace Jones a fait ses débuts dans la musique, ou encore Loleatta Holloway, une des chanteuses disco les plus reprises dans la house – comme nous le verrons dans un prochain épisode. Aussi, pour ceux qui savent, Larry Levan et Frankie Knuckles ont bossé là-bas. Beau microcosme !
Assigné à double résidence
Steve Rubell rachète à New York également d’anciens studios de CBS et ouvre en 1977 le Studio 54, un autre endroit bien emblématique d’une durée de vie de quatre courtes mais intenses années. Pas fou, il demande à Nicky d’y être résident. L’homme acquiesce : la semaine au Studio, le week-end à la Gallery. Une forme de garde partagée finalement. On imagine que son cornet en prend alors deux fois plus. C’est apparemment la raison de son renvoi : too much drugs man. Et on sait quand : quatre mois seulement après son entrée en scène. Il n’a pas dû y aller de main morte…
Il quitte donc plus ou moins la scène mais continue de produire en petite quantité. Même, il se fait producteur. En témoigne ce superbe morceau Move qui est sur le marché depuis 2000. Du boogie disco down super chouette et bien bordélique. Pour ceux qui ont du temps il y a carrément son site où l’écoute et le téléchargement sont libres (en 320kbps attention!!). La qualité est plus ou moins au rendez-vous mais on note une collab avec Arthur Russell plutôt surprenante. C’est par ici que ça se passe.
On ne connaît pas Nicky Siano
L’homme tombe dans l’oubli dans les années 1980, l’article wikipedia parle de « rocky time »… Il est intéressant de constater en tout cas la faible renommée de ce DJ à côté de la place de Larry Levan dans la musique actuelle. Le Paradise Garage jouit d’un nombre de rééditions, même à Paris des événements axent leur communication (et seulement leur communication la plupart du temps) sur cette ère de la disco enchantée qui préfigure la naissance de la house. A côté de ça, Nicky Siano est quand même bien tombé dans l’oubli. Notamment peut-être par manque de traces du passé que nous vous racontons ici.
Sur le retour, il tourne encore un peu et avait prévu un film sur l’âge d’or, son âge d’or, celui de la Gallery mais il semblerait que le projet ait été avorté. On retient qu’en 2014 il est revenu au Studio 54. Set de neuf heures à minuit puis la relève s’est fait en la personne de… Avicii. Il n’y a plus de respect pour les anciens je vous le dis!
Signature et crédits :
Le son : Nicky Siano en octobre 1976 à la Gallery, soit pile un an avant sa fermeture. Je tiens à vous faire remarquer le peu de transition entre les morceaux. Ce qui importe est avant tout la sélection et il est justement intéressant de voir que si aujourd’hui nous vénérons la transition, à cette époque ce n’est pas toujours le cas. Mais ça, on vous en parlera dans un autre article.
Le texte : Nils Savoye
Le visuel : Tout grand merci à Marie Casaÿs qui s’est ici inspirée d’une photo trouvée sur les internets.
Merci à Wax Poetics pour, il fut un temps, nous avoir aiguillé sur le sujet.