SEQUENCES : L’office électrique avec Möd4rn, Madben et Acid Arab

Séquences, un dessin de Luce Terrasson pour un article de L'Escamoteur

SEQUENCES, c’est un projet monté il y a deux ans par le média Le Drone et Culture Box, la plateforme culturelle de France TV. Des artistes actuels aux accents électroniques se produisent sous le regard de plusieurs caméras qui captent le moindre de leur mouvement. Une immersion totale dans leur performance. Beaucoup y sont passés, parmi eux Flavien Berger, Jacques, Chloé, NSDOS, Death In Vegas et bien d’autres adeptes de l’expérimentation.

Tout ceci à huis clos jusqu’au mardi 20 juin dernier où le public a pu enfin avoir accès au mystérieux tournage d’une de ces sessions. En attendant septembre et la publication du live dont nous vous parlons aujourd’hui, voici la performance de Chloé datant du 15 décembre 2016 (soit tout juste 2 jours après la création de notre association, hasard je ne crois pas).

 

« Les composantes de la mystique »

C’est en bordure de Paris, dans l’Eglise Notre-Dame du Rosaire de Saint-Ouen, que s’est déroulée la grand-messe de Séquences. Passées les portes du sanctuaire, on est frappé par la lumière de cette fin de journée ensoleillée qui traverse les vitraux et vient taper sur les colonnes de pierre. Les chaises sont installées mais pour un office quelque peu inhabituel. On nous distribue des casques, comme ceux des silent parties. Sauf que là on a très peu de chance d’en sortir comme de ces soirées, il y a quelques années, déçus et avec un gros mal au crâne.

Le son du concert sera retransmis en binaural. Un procédé qui offre, à l’instar de la stéréo qui diffuse de droite à gauche, une vraie perspective dans l’espace. Gauche, droite ; devant, derrière. Et justement l’espace, ce n’est pas ce qui manque dans cette église du début du 20ème siècle. A l’avant de la nef, une petite scène encadrée d’un portique auquel sont suspendus quatre panneaux de lumière et une caméra. Au milieu de l’allée et autour de la scène, deux rails de travelling et, derrière elle, un autre objectif se cache sur l’autel parmi les bougies.

La régie et les organisateurs nous font vite bien comprendre que Séquences est un tournage avant d’être un concert. Si quelques personnes veulent rester debout c’est d’accord mais pas plus de 10 personnes de chaque côté de la scène, « et donnez vous à fond parce qu’on veut des images ». Pourquoi pas, après tout c’est votre projet. D’ailleurs, pas le droit non plus de faire des vidéos ou des photos pendant le live. J’aime bien l’idée, je vais pouvoir réfréner mes pulsions virtuelles et me concentrer sur la musique.

 

«  Tâtonnements et moments de grâce » avec Möd4rn et Madben

Le premier groupe qui monte se nomme Möd4rn. C’est un quatuor qui regroupe les artistes Electric Rescue, Maxime Dangles, Kmyle, Moteka. La bande était jusque récemment un trio qui répondait au nom de Möd3rn (logique) jusqu’à ce que Moteka le rejoigne. Je trouve cette idée d’ensemble modulable très intéressante, on sent une envie de hisser la techno au rang de la famille classique/jazz/musique contemporaine. J’entends d’ailleurs dire autour de moi que c’est bizarre quand même de la techno dans une église. J’ai pourtant l’impression de me préparer davantage pour un concert de musique savante que pour une free party.

Möd4rn joue une techno froide dans un église froide sous le mouvement de l’acier froid des caméras. Pas de climax, seulement des vas-et-vient de progressions, de sons minéraux. Je ne sais pas si c’est à eux que je dois le reprocher ou à la journée que j’avais dans les jambes mais j’avoue avoir commencé à piquer du nez vers les trois quarts du live.

Néanmoins, ils offrent une belle introduction à ce qui va suivre et je suis impressionné par la profondeur que renvoie le son binaural. Je me demande à ce moment-là si l’immensité de l’église n’est pas complice de l’illusion. Cette première partie balaie ma mauvaise foi et mon regret initial que le son du lieu ne soit pas exploité.

Le suivant Madben donne dans l’orchestral. Les boucles de synthé amènent de la chaleur et contrebalancent des kicks sourds et massifs. Les pistes sont savamment disséminées dans l’espace et font prendre une autre tournure à l’expérience. Je suis immergé et tenu en haleine tout du long. Le micro public de fosse scindé en deux se déhanche lui aussi. D’ailleurs si vous vous posiez encore la question c’est apparemment à bâbord qu’on danse le plus fort.

« L’église est enraïée » avec Acid Arab

Arrivent enfin les têtes d’affiche, Acid Arab. Ils ont l’air contents d’être là, on les entend jouer avec l’écho dans la nef avant de monter sur scène. Déjà au départ, l’idée d’écouter du raï dans une église me faisait sourire. Et le résultat est surprenant. Le trio superpose les sonorités électro-orientales avec brio. Kenzi, le claviériste barré, comparse du tout aussi fou Rachid Taha, enflamme le tout avec un jeu désinvolte qu’on pourrait croire improvisé. Les mouvements circulaires de la caméra qui me passe devant toutes les minutes ne me gênent même plus. Peut-être m’étourdissent-ils tels ceux d’un pendule de cinq-cent kilos qui me plongeraient dans une semi-hypnose, aidés par un savant jeu de lumière étourdissant.

Petit moment de gêne tout de même pendant le live quand ils se rendent compte qu’ils ont affaire à un public légèrement statique qui les écoute religieusement. La bonne humeur communicative de Guido Minsky arrive à dérider l’audience qui, pareille à un serpent charmé par la flûte qui sort d’un panier en osier, finit tout de même par frotter le bois des chaises avec son popotin. Tout est pertinent dans ce live, tout tombe à pic et je me surprends à être déçu de la brièveté de l’expérience lorsque celle-ci se termine.

 

SEQUENCES : « Plus qu’un concert, une expérience »

Je ne ressors pas de Notre-Dame enchanté comme je pourrais l’être d’un vrai live de techno destiné au public. Mais intrigué par tout ce que je viens de voir. C’était une expérience de plus, une plongée dans l’univers des faiseurs d’images. Et qui ne s’est jamais demandé comment se fabriquaient les rêves ?

La vidéo sortira aux alentours de Septembre et je ne manquerais pas de mettre à jour cet article, parce qu’il est sûr que si ce tournage m’a transmis quelque chose c’est l’envie de voir le résultat. C’est peut-être ça le nouvel objectif de Séquences, profiter du pendant comme de l’après. Ambitieux.

 

Signature et crédits :

Le son : Si vous souhaitez un aperçu des productions des artistes présents à cet épisode de Séquences, voici notre playlist.

Le texte : Antoine de Nardi

Le visuel : Luce Terrasson, pour consulter son superbe site c’est LAAAAAAAAAAAAAA

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