Quartabê, mythes brésiliens au goût du jour à Flagey

Quartabê en concert à Flagey Photographie Nils Savoye - Léger

Avec Nils d’habitude c’est plutôt du rock qui tâche ou du funk qui bouge qu’on va voir dans les petites salles de concert. Mais cette fois-ci, c’est au chic Studio 1 de Flagey à Bruxelles qu’on s’installe dans des sièges comme au cinéma pour écouter le groupe Quartabê. Ça fait plaisir de venir voir plus de femmes que d’hommes pour une fois, elles sont trois contre un, c’est rare dans la musique, surtout pour le jazz contemporain ! Puis jeunes en plus, ça donne espoir.

Le concert commence alors qu’il fait encore tout noir dans la salle, et l’allumage progressif nous permet de détailler les étonnants accoutrements des musicien.nes : imper nuageux plastifié, kimono couleur ciel, drapé sablé style touareg, tunique jusqu’aux pieds et claquettes chaussettes pour toustes. On dirait des magiciennes en vacances à la mer en plein mois d’octobre. Et leurs habits reflètent précisément leur musique : enveloppante, mystérieuse, comme un conte qu’on nous raconte, une drôle d’histoire à la fois chevaleresque et futuriste, ou bien une très vieille légende remise au goût du jour. C’est ça, tout semble neuf d’abord, des arrangements nouveaux et étonnants puis d’un coup les arythmies deviennent harmonieuses (Morena Do Mar). Et cet air-là, on a l’impression de le connaître… Ce ne serait pas quelques notes de Saudade de Bahia ? Et comme toute bonne histoire, il y a un peu de tout : ça swingue du jazz ultra pointu au rock endiablé avec des airs de film d’espionnage genre Panthère Rose.

Une très vieille légende remise au goût du jour

A Flagey la lumière est tamisée et le public assis dans des fauteuils rouges et mous quand on arrive. Avec Marie on s’est laissé la surprise, comme les films qu’on va voir sans en lire le synopsis. Pour lors, on voit juste la batterie rutilante sur la droite, deux clarinettes basses au centre et une collection de claviers sur la gauche. Ce n’est qu’à la fin du concert qu’on apprend ce qu’on écoute, secret que je vous révèle maintenant.

Quartabê a sorti une série d’albums intitulés Liçaõ, entendre par là « Leçon ». Le quatuor s’intéresse à l’œuvre d’un artiste et la remet au goût de leur jour avec leurs influences respectives (noise et hip hop sont les premiers qui me viennent à l’esprit) et les instruments qu’iels pratiquent. Le premier volume, sorti en 2015, était consacré au compositeur brésilien Moacir Santos (1924-2006) qui a travaillé entre autres avec Baden Powell et Sérgio Mendes. Le second album, joué intégralement pendant ce concert, est consacré à Dorival Caymmi (1914-2008). On connaît mieux Dorival, compositeur notamment de Saudade de Bahia dont Marie a reconnu l’air pendant le concert ou encore de Doralice, titre que vous avez sans doute déjà entendu dans sa version de 1963 sur l’album Getz/Gilberto.

Détail de taille mais le son de la salle est impeccable et on peut donc réellement se plonger dans l’univers du groupe. Tendre l’oreille quand il faut écouter les doigts qui se posent sur l’instrument et non plus le souffle de la clarinettiste. Taper du pied quand la grasse basse de Ressaca s’installe en même temps qu’une lumière rouge inonde la salle. Là, à la manière de certains titres de Pink Floyd, la musique fait presque peur.


UN SON : L’album Li​ç​ã​o #2: Dorival de Quartabê sorti en 2018 et enregistré aux Red Bull Music Studios de São Paulo

UN TEXTE : Marie Lacroix & Nils Savoye

UN VISUEL : Scan de pellicule, photographie prise par Nils Savoye

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