Le non-procès de Nürnberg. La blague est faite, on peut passer à autre chose… Sous l’étendard DIY, coldwave, darkwave, shoegaze blablabla, le label de cassettes Squall Recordings présente un horizon prometteur pour tous les amateurs du genre. L’imagerie est noire et blanche, médiévale, antique, électronique et résolument puriste. Les artistes sont Russes, Mexicains, Biélorusses. Ce qui les lie ? Le refus de la fioriture gratuite. De l’électronique brutale de Nova Guardia au shoegaze fuzzy de Psychic Blood & El Ojo y la Navaja, tout file droit, rien ne bascule du côté gnangnan de la force.
Nürnberg – U NIKUDY : Vers nulle part
On retrouve dans cet EP de Nürnberg la ligne éditoriale du label mais avec une once de chaleur en plus sans tomber dans le post-punk molasse. On pourrait donc faire de la pop sans miel bio AOP ? Bien sûr que oui.
Le duo s’inscrit dans cette veine sombre et bienveillante qui semble animer une partie de la jeunesse post-URSS. Il est composé de Januš et Alhierd, originaires de Minsk, qui commencent à jouer ensemble en 2012. Parmis leurs influences on retrouve évidemment les classiques The Cure, The Smith et Joy Division mais également des groupes locaux plus confidentiels comme Motorama et Super Besse.
Spleen biélorusse et DIY maîtrisé
Au fil des quatre titres, on se retrouve musicalement propulsés dans l’esprit de cette jeunesse tiraillée qui dépeint sa vie, ses doutes, ses amours et surtout ses emmerdes avec ce spleen propre à la culture soviétique. Les paroles sont simples, explicites, fortes. On chante l’évasion (U Nikudy), la noyade (Palanùc) et même le destin (Los). Ce tiraillement constant entre rêve et désillusion qui caractérise pas mal l’état d’esprit actuel d’une frange de la société au-delà des frontières et des styles. On a beaucoup parlé de la dépression comme thème récurrent dans le rap de ces cinq dernières années mais n’oublions pas que les idées noires sont le fer de lance du post-punk. Il paraît logique que le mouvement rejaillisse de lui-même aujourd’hui. Et l’énergie est intacte, avec même quelque chose de plus positif, la « goutte d’espoir dans un océan de souffrance » dont parle Januš dans le morceau titre U Nikudy.
Ce qui frappe également à l’écoute, c’est la qualité musicale malgré la technique DIY du groupe. Tout est maîtrisé. La lenteur passionnée des mélodies, leur progression qui nous permet d’apprécier la profondeur de chaque seconde de ces courts morceaux. C’est le son de citoyens moyens issus de villes moyennes qui produisent des envolées magnifiques avec des moyens… moyens.
Mes meilleurs vœux pour la suite
Une musique profondément humaine donc, et plus proche de la réalité que celle de n’importe lequel des nominés des Victoires de la Musique. Mon plus grand vœu pour 2018 et les années à venir c’est de voir comment le post-punk va se moderniser, délaisser les codes qui le rattachent aux monuments des années 1980 et 1990 et fusionner avec d’autres styles. En ce moment on observe un rapprochement de cette scène et de l’IDM et la techno mais il sera difficile de (res)sortir de l’ombre.
Alors même que l’illusion du rock éternel disparaît peu à peu (et tant mieux), j’ai espoir que ce mouvement devienne de plus en plus influent et prenne la relève. En attendant je souhaite à Nürnberg d’enflammer les salles biélorusses et de faire son chemin. Nous ici on vous attend.
Signature et crédits :
Un son : L’EP U Nikudy est disponible sur cassette chez Squall Recordings (dépêchez-vous il restait 7 cassettes le 24 février).
Un texte : Merci au nouvel arrivant Antoine De Nardi dont vous pouvez suivre le tumblr ici-même.
Un visuel : Merci à Marie Casaÿs qui s’est ici inspirée de la pochette de l’album en la parant de ce joli et mélancolique bleu.