L’Escamoteur # 1 – Errance sous la pluie et refuge baresque

L'Escamoteur # 1 - Un récit de Julien Philippon et une illustration de Julie Savoye pour L'Escamoteur

On continue dans notre série de récits avec un nouveau voyage fictif raconté par Julien Philippon sur fond d’Orient-Express. Le thème ? L’Escamoteur, ce tableau attribué à Jérôme Bosch et datant de la fin du XVème siècle. Tableau qui a donné son nom à notre association d’ailleurs. Pour remplacer le talent de Bosch, Julie Savoye s’est inspirée des objets du récit de Julien. Tout comme ils suivent le personnage dans ses errances, Julie les place sur un quadrillage aquatique aux frontières floues. Si vous aussi vous voulez nous proposer votre lecture du tableau, envoyez-nous votre récit/dessin/pensée à contact@lescamoteur.fr.

Bonne lecture de toute manière

16h45 : le match vient de se terminer. Rater si près du but, pétard, ça m’a mis en boule. A force de tourner en rond entre le canapé et la théière, je m’excite de plus en plus. A peine assis, j’ai la jambe droite qui vrille, impossible à contrôler cette gambette. Elle tape du pied, pire qu’un raver sous acide. C’est bon ! Je sors de là, cette boîte vide percée de deux trous qui me sert d’appart ne sera pas ma prison.

C’est décidé, je me mets en route. Il y a bien moyen de s’aérer dehors, de penser à autre chose. Voilà, j’ai trouvé, ce qu’il me faut c’est un bon vieux lâcher prise. La porte de l’entrée claque et… Merde! Il drache. Cette journée n’en finit pas d’être foireuse. Maman m’a toujours dit d’ouvrir mes volets avant de sortir. Quitte à être énervé autant marcher, ça aura au moins pour effet de me doucher. Rien de mieux que d’avoir les sapes gorgées de flottes pour se sentir débile dans la rue. Tous ces gens prévoyants me regardent, bien au sec sous leurs parapluies. Comme à l’armée, marche le troufion!

Au fil des tours et des détours, la revoilà enfin cette place, 4 fois que je passe devant. J’ai vraiment un sens de l’orientation pourave. Jamais je retrouverai mes petits à ce rythme là. Heureusement, il y a ce bouiboui qui a l’air miteux mais au moins la musique va pas me fusiller les esgourdes. Je reconnais ce
rythme. Cette ambiance va me détendre je sens. Au moins je pourrai siffler un Picon et bouger ces foutus gambettes qui deviennent raides comme des planches. Quelques percus histoire de commencer, une voix entraînante bardée d’écho. La tête lourde, je vais enfin pouvoir dodeliner en paix. La pochtronne qui fait office de voisine tire déjà la gueule. Pas étonnant, j’ai plus de pluie dans les cheveux qu’il n’y a d’eau dans la mer d’Aral. Mais comme disait mon vieux : « Pas d’humeur à ce qu’on me tartine les rognons. » Foutez-moi la paix les pilards et cuvez !

Une deuxième musique s’enchaîne, aussi entraînante. Ouh là, où est-ce que j’ai bien pu atterrir ? J’ai bien failli me boiter sur le Père Zinc. Ce genre de bonhomme qui passe tellement de temps accoudé que le patron les enferme. De toute façon, il peut même plus bouger. Un malin a dû coudre son fute à son
tabouret.
Ils commencent tous à me tirer une tronche dans ce troquet. Je sens qu’il y a une mauvaise passe qui radine, autant mettre les voiles en amont de la tempête. Je paye et je me tire.

En faisant le tour de la place, je tombe sur un vieil escamoteur qui fait tourner ses gobelets devant 3 caves et son pote. La combine parfaite pour entuber quand tu as les mimines finaudes.


Signature et crédits de L’Escamoteur #1 :

Un son : L’Escamoteur que vous entendez est le fait de señor Philippon avec sa playlist fleuve de 36 titres. Elle est trouvable sur notre chaîne youtube. Vous y trouverez des playlists thématiques (french boogie, rap…) mais aussi toutes celles de nos articles passés.

Un texte : Julien Philippon

Un visuel : Julie Savoye

L’Escamoteur #1 est dispo en Escamoprint faite main imprimable par vos soins si vous nous envoyez un petit mail gentil à contact@lescamoteur.fr

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