Ici, dehors, ça sent l’herbe et l’essence.
Tout le monde a une tuque et des mitaines, mais les filles du secondaire sont en jupe, sans collants.
Un degré vif, mes joues sont roses, les doigts gèlent, le téléphone se décharge.
On croise des personnes qui s’arrêtent au rouge, demandent pardon et laissent passer, sur de larges trottoirs, dans des rues quadrillées, toutes en travaux.
La fourrure existe encore, des épiceries sont véganes.
Les fruits viennent du monde entier, habillés de plastique.
On décore les balcons pour Noël, on les pare de mille couleurs, ça ne s’éteint pas.
La porte est ouverte chaque soir en rentrant, il suffit de la pousser.
On se tutoie, on se serre dans les bras pour se dire allô et pour se dire bye.
On va souper tôt, je me couche tard, la nuit tombe vite, j’aime marcher seule.
Les devantures des magasins brillent sur mon chemin, et je passe de dépanneurs en nettoyeurs, de station-service en snack-bar.
Les enseignes vibrent dans l’air frais, et je traverse des rues qui ont toujours le même nom, mais que je ne connais plus.
Ma ville natale est belle, je la regarde avec des yeux ouverts en grand.
Comme pour faire passer plus de lumière, ou laisser entrer les gratte-ciels.
Comme pour essayer de me souvenir, et je me souviens.
UN SON : Jean Leloup, ou plutôt John the Wolf, est un « chanteur populaire qui a grandit en Algérie, assez fucké merci » ! Mille excuses Milady sort en 2009. À l’album est joint un livret où Jean Leloup se confie, très franchement, dans toute sa fragilité. Et il affirme aux journalistes : « C’est pas grave, c’est mieux d’être un être humain avec le livre ouvert qu’une rock star à lunettes fumées. »
UN TEXTE : Marion Bonneau nous raconte un bref passage dans sa ville natale. Mais sauriez-vous reconnaître ces lieux qu’elle nous fait traverser ?
UN VISUEL : Photographie argentique prise par Marion avec un Canon Sure Shot Z135.