Vous vous souvenez des univers cyberpunk dans les nanars de SF des années 90/2000 ? Ces gothiques en manteau de plastoc avec des lunettes de prof de ski qui évoluaient dans des décors industriels sur fond de musique de rave party (Wesley Snipes dans Blade en est probablement le meilleur ambassadeur). Il apparaît qu’aujourd’hui la tendance pousse beaucoup d’artistes à adopter ces codes, les passer à la broyeuse, les remodeler et finalement les rendre plutôt classe, voire vraiment flippants. C’est exactement ce qu’a fait le duo berlinois Amnesia Scanner avec son album Another Life.
Renaissance Man
Loin d’être des novices, Ville Haimala et Martti Kalliala se sont lancés dans la techno en 2009 sous le nom de Renaissance Man. Leur premier album sort en 2011 sur Turbo, le label de Tiga.
Avec un goût déjà prononcé pour le sampling et la destruction, les Allemands évoluent dans l’artisanat du crissement mélodique en participant aux soirées berlinoises expérimentales Janus.
C’est en 2014 qu’apparaît pour la première fois le nom Amnesia Scanner via leur première mixtape AS Live. L’abréviation AS placée en début de titre deviendra leur marque de fabrique sur tous les morceaux à venir dont AS Angels Rig Hook. Celui-ci est un monologue halluciné tout en symbolique décrivant l’absurdité de la société actuelle. Une voix dépassée par les événements sur fond de progressions et régressions rythmiques.
Dès 2016, certains archéologues de Youtube peuvent apercevoir quelques curieuses vidéos à base de chiens robot et de scène concert en plein purgatoire numérique. Elles illustrent un EP éponyme qui plonge son auditeur dans l’abstraction la plus complète avec pour seul repère une boussole, l’aiguille pointée dans la direction du dénuement.
Renaissance de Renaissance Man qui devient Amnesia Scanner
C’est chez PAN, important label de l’underground berlinois qui fête cette année sa première décennie, qu’est sorti leur premier album.
Tantôt pop version dank meme, tantôt séance d’ASMR corrosif, Another Life enchaîne les digestions dystopiques de toutes les composantes du paysage musical actuel. De la trap de AS A.W.O.L au dancehall de AS Too Wrong en passant par la dance de AS Symmetribal, on se balade dans une dimension augmentée de la réalité où tout est plus dangereux et dégueulasse.
Amnesia Scanner fait de la musique qui s’écoute avec tout le corps. Les morceaux peuvent être râpeux, grinçants, faire frissoner, on peut les déglutir ou se piquer avec. Le duo est proche de ces artistes comme Lotic, Arca ou Elysia Crampton qui travaillent la sensation et la texture de leur son.
Amnesia Scanner, c’est aussi un plat qui pique
Je me souviens de cet épisode de Chef’s Table où le chef allemand double étoilé Tim Raue déplorait la culture de l’équilibre des goûts de la cuisine française. Il y préférait l’exacerbation des sens notamment dans l’utilisation des épices, ce qui donnait parfois des rougeurs au propre comme au figuré aux critiques. Il peut être assuré que ses deux compatriotes musiciens en font de même, privilégiant toujours l’intensité de l’expérience à l’insipidité de la consommation.
Un album à déguster donc avec un grand verre de lait. Car personne ne vous veut de mal ici. C’est pour votre bien.
Pour le bien de tous.
Faites nous confiance.
Posez ce vase.
Signature et crédits :
Un son : Faites un tour sur le site d’Amnesia Scanner, vous serez pas déçus du voyage.
Un texte : Merci à Antoine De Nardi (vous pouvez suivre son tumblr ici-même et lire ses autres articles là)
Un visuel : Merci à Marie Casays, fer de lance de l’asso. La preuve avec la longue liste de ses articles sur le site.